LA  MUSE INSOLENTE  DE  GEORGES BRASSENS
Georges Brassens en allemand -- traduit et chanté par Ralf Tauchmann


PRESSE

BRASSENS

FESTIVAL

AUTEUR



Les mots sous les mots

Quand la forme s'attache au fond --
Les détours et les biais dans l'adaptation lyrique 

Deutsche Fassung

EXPOSÉ
fait à l'occasion de l'Académie d'Été  de l'Association fédérale allemande des traducteurs et interprètes (BdÜ)
le 21 septembre 2002   Berlin
 

0. INTRODUCTION

Rappelons l'intraduisibilité proprement dite des poésies à cause des contraintes de la FORME. Il faut cependant ajouter que la langue est toujours et obligatoirement liée à la forme pour pouvoir se matérialiser, dans le langage quotidien aussi bien que dans des textes purement techniques. Plus exactement, les difficultés émanant de la traduction de poèmes résident en cette partie de la composante de FORME qui est employée de façon plus ou moins consciente. Pour voir les détails, regardons quelques exemples:


1. GUILLAUME APOLLINAIRE -- Présentation du problème

Commençons par Guillaume Apollinaire et son poème LA TZIGANE du recueil ALCOOLS où nous lisons dans la première strophe:

La tzigane savait d'avance
Nos deux vies barrées par les nuits
Nous lui dîmes adieu et puis
De ce puits sortit l'Espérance
Die Zigeunerin wusste im Voraus
Unser beider Leben von den Nächten durchkreuzt
Wir sagten ihr Lebwohl und dann
Entstieg diesem Brunnen die Hoffnung

Le poème nous est parvenu par voie écrite, mais il convient de ne pas perdre de vue (ou mieux: d'ouïe) l'origine du mot langue qui nous rappelle que la place originale de la langue est en premier « lieu » la bouche. Le système oral est primaire à l'écrit et par-là non réformable. Seule l'orthographie peut être réformée pour suivre les évolutions verbales de la réalité phonique -- dans la mesure de ce qui est possible.

Le recueil ALCOOLS d'Apollinaire est un bouleversement culturel pour plusieurs raisons, par exemple du fait que Guillaume Apollinaire renonce aux critères figés de la poésie classique en traitant de « muet » l' e muet dans un environnement de voyelles (sinon, le vers 2 en haut serait un décasyllabe et non un octosyllabe). Oublions donc pour l'instant l'image de l'écrit en nous fiant à l'image phonique de la réalité linguistique. Et nous entendrons, au fond de la prédiction de la tsigane ayant une profonde expérience de la vie et du monde, une seconde voix, un oracle qui nous dit malgré les mots que nous voyons :


La tzigane savait d'avance
Nos DEUX VIES barréEs par les nuits
Nous lui dîmes ADIEU et PUIS
De ce PUITS sortit l'Espérance
La tzigane savait d'avance
Nos DEVIS barrés par les nuits
Nous lui dîmes À / AH DIEU et PUIS
De ce PUIS sortit l'Espérance

Damit kommt ein orakelhafter Unterton in die Weissagung der lebenserfahrenen Zigeunerin, denn es schwebt eine zweite Stimme im Hintergrund:

La tzigane savait d'avance
Nos devis barrés par les nuits
Nous lui dîmes à / ah Dieu et puis
De ce puis sortit l'Espérance
Die Zigeunerin wusste im Voraus,
Dass unsere Kostenvoranschläge von den Nächten gestrichen würden
Wir sagten ihr  »Auf Gott !« und dann
Entstieg diesem Dann die Hoffnung…

(Oublions ici l'allusion au sort dans le verbe sortir comme étant peut-être trop enracinée dans la langue française.)

Ce qui importe, c'est que les deux voix ne sont pas l'une à côté de l'autre, mais elles s'entrelacent et se chevauchent. La version écrite est bien sûr celle qui domine et dont la graphie a été choisie par Apollinaire, ce qui confère à cette version la qualité de CONTENU proprement dit. Mais il existe, cachée par la graphie de nature statique et répartie dans l'espace, cette seconde voix qui ne fait pas partie du contenu, mais se situe au FOND, c'est-à-dire dans la réalité dynamique des consonnes et voyelles réparties dans le temps. Et cette réalité est, comme toute réalité non encore filtrée par l'esprit logique, équivoque et ambiguë. C'est là que nous nous retrouvons au « premier fond » de l'interprétation -- l'interprétation linguistique (Deutung) directement attachée à la langue et non encore l'interprétation proprement dite (Interpretation) qui retourne sur la réalité objective de notre expérience du monde.


INTERPRÉTATION LINGUISTIQUE : Nos deux vies sont nos devis. Mettre ensemble deux vies équivaut à présenter un devis. Le désir intérieur et idéel de vivre ensemble (deux vies) fait en même temps face au « détail estimatif » de l'existence matérielle (devis) qui s'y oppose. Le puits dans lequel est puisée l'espérance est le puis, le futur, l'avenir...

INTERPRETATION ABSTRAITE : La strophe citée est une vue en arrière, un regard désabusé dans le passé où l'avenir -- notre aujourd'hui -- était encore avenir et espérance légèrement obscurcie par le doute inspiré par la prédiction d'une tzigane  -- prédiction qui s'est finalement matérialisée. Une bonne traduction devrait user des moyens et voies linguistiques propres à entremêler les espérances menacées de la perspective avec les illusions perdues de la rétrospective -- illusions perdues par fixation à la matière...

Apollinaire raconte un premier contact plus profond avec la langue française.
Au lieu du passé simple de la phrase suivante:

Ayant tout dit, l'orateur se tut.
Apollinaire avait compris le présent:
Ayant tout dit, l'orateur se tue.
Il était convaincu du sens profond de la phrase :
Quand tout a été dit, l'orateur a perdu son droit d'exister !
La langue française est plus syllabique et plus homophone que, p. ex., la langue allemande. En allemand, beaucoup de syllabes sont des mots et même morphèmes (porteurs de sens et distinctifs), tels wort, wert, schatz etc., tandis qu'en français, la distinction se fait plutôt par l'ambiance et l'environnement :
vert – vair – verre – vers (adj.) – vers (subst.) – ver
seau – sot – sceau – saut
ce qui devient encore plus complexe en combinaisons :
revers, s'avère, sévère ....
vaisseau, Tussot, grosso ...
Apollinaire en use dans les deux vers suivants du poème exceptionnellement beau MARIE où il met au fond du vers une seconde voix quasiment mélodique composée autour du mot syllabique SI ( une seconde voix porteuse de sens comme adverbe tellement et conjonction mais si ) :
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine…
Très beaux -- ces rapprochements syllabiques : masques – musiques ; silen... – si loin...
Et très belle également -- cette nuance consolante et réconfortante de ce si doux et sonore dans la musique si lointaine...

Un autre exemple : Le poème ZONE de Guillaume Apollinaire, premier poème du recueil  ALCOOLS, qui se termine par ce vers très connu :

Adieu adieu
Soleil cou coupé
Encore une fois, la forme et le fond ne forment qu'un. L'adieu (de fin-de-siècle) fait apparaître, à travers le sang rouge que déverse la tête tombante du soleil décapité qui nous regarde de par-derrière l'horizon, la lueur d'un coucou, d'un commencement tout neuf... Phonétiquement, vu le caractère dynamique du langage parlé, c'est seulement la dernière syllabe qui assure une certaine « clarté » en effaçant le vague de ce que l'on vient d'entendre jusqu'à ce point :
A Dieu, à Dieu,
Soleil coucou
Je me rappelle avoir lu, dans un journal il y a un certain temps, une traduction rendant ce dernier vers de façon imitative et structurale:
Sonne abgeschnittener Hals
Nous voilà devant un deuxième trait essentiel de la langue française qui a tendance à mettre en valeur la fin de la phrase par l'intonation tout en l'adoucissant par les nuances ( à l'encontre de l'allemand qui fait un gros point final ) ; comme certains phénomènes le montrent :
  • pour l' intonation : la perte de l'adverbe de négation ne au profit du pronom indéfini (J’ai vu personne, j’sais pas...) ; dans la chanson Rien à jeter, Brassens fait une rime riche avec j'ose (pas) et chose... (détail aussi osé que le participe passé non varié de La première fille, mais sans cette attention publique...)
  • pour les nuances : les adjectifs et épithètes sont souvent placés après le substantif et les locutions attributives (pourvu de..., équipé de..., assimilable à ... etc...) toujours après le substantif;
  • dans les noms composés, le complément (substantif, verbe ou adjectif) vient après le nom principal -- contrairement à la nature de l'allemand (par exemple : mur de soutènement – Stützmauer, joie de vivre – Lebensfreude)
Il en est de même de l'apposition si typique du français. En allemand, du point de vue de traducteur, pour l'exemple cité, je préfèrerais mettre le complément apposé avant le nom :

Adieu adieu
Soleil cou coupé
Leb wohl, leb wohl,
Halsdurchtrennte Sonne!


Ou choisir un nom composé qui semble correspondre encore mieux au rapport « caché » créé par l'apposition :

Adieu adieu
Soleil cou coupé
Leb wohl, leb wohl,
Kopf-ab-Sonne!

La mesure pour une traduction-adaptation réussie de ces deux vers serait : l' ADIEU rouge sang pénétré par une lueur à peine percevable de BONJOUR coucou (encore une fois l'union solidaire de deux contraires emmêlés). S'il était possible, en allemand, d'avoir DIEU dans l'ADIEU ( qui se traduit par Lebewohl ! -- littéralement vit bien ! ), une telle traduction serait probablement parfaite. Ce qui importe, c'est de permettre à la langue cible (ici: l'allemand) son flux naturel. L'exemple suivant montre plus clairement la distinction des deux langues quant à la séquence des mots. Dans le poème MARIE de Guillaume Apollinaire, il est indispensable, en allemand, de rendre l'apposition feuilles de l'automne par une épithète se plaçant avant le nom, si l'on veut que la langue allemande se sente à l'aise dans la structure de ce vers :

Sais-je où s'en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l'automne...
Was weiß ich, wohin deine Haare (ver)gehen
Und deine herbstblattgleichen / herbstdurchlaubten Hände...

2. GEORGES BRASSENS -- Une solution du problème

Procédons à Georges Brassens. En contraste avec Apollinaire, qui savait bien que ses poèmes se présenteraient sous forme écrite à un lecteur ( avec comme point final les calligrammes ), les paroles des chansons de Georges Brassens s'adressent de prime abord à un auditeur ( à tel point qu'elles n'ont même pas besoin d'être fixées par écrit ). Grâce à l'invention du phonographe, des tourne-disques jusqu'au CD d'aujourd'hui, les chansons et œuvres orales peuvent à présent être écoutées à plusieurs reprises comme il est possible de lire et de relire des livres.

Pour mon exposé, j'ai choisi la chanson COMME UNE SŒUR – entre autre puisqu'elle ne pèse pas trop lourd et qu'elle ne contournera pas trop notre esprit vers le fond et le contenu. Cette chanson est une reminescence à un genre populaire : à la CHANSON DU MAL AIMÉ. « C'est toujours la même chanson ! » pourrait-on être tenté de penser. Et oui, c'est un peu vrai. Mais... regardons les quatre premières strophes : 

 
COMME UNE SŒUR

WIE EINE SCHWESTER (Inhaltsangabe)
Comme une sœur, tête coupée,
Ell’ ressemblait à sa poupée.
Dans la rivière, elle est venue
Tremper un peu son pied menu.

Wie eine Schwester, Kopf abgetrennt,
Sah sie ihrer Puppe ähnlich.
Sie ist in den Fluss gekommen,
Ihren zarten Fuß ein wenig zu benetzen.
Par une ruse à ma façon,
Je fais semblant d’être un poisson.
Je me déguise en cachalot
Et je me couche au fond de l’eau.

Durch eine List nach meiner Art
Tu ich so, als ob ich ein Fisch wäre.
Ich verkleide mich als Pottwal
Und lege mich ich auf den Grund des Wassers.
J’ai le bonheur, grâce à ce biais,
De lui croquer un bout de pied.
Jamais requin n’a, j’en réponds,
Jamais rien goûté d’aussi bon.

Ich hab dank dieses Umwegs/Tricks das Glück
Ihr ein Stück Fuß an/wegzuknabbern.
Niemals hat ein Hai(fisch), ich bürge dafür,
Niemals etwas so Gutes/Schmackhaftes gekostet.
Ell’ m’a puni de ce culot
En me tenant le bec dans l’eau.
Et j’ai dû pour l’apitoyer
Faire mine de me noyer.

Sie hat mich für diese Dreistigkeit bestraft,
Indem sie mir den Schnabel ins Wasser hielt
(indem sie mich am ausgestreckten Arm verhungern ließ)
Und ich habe, um ihr Mitleid zu gewinnen,
Vortäuschen müssen, dass ich ertrinke.

Malgré le but de considérer en premier lieu la forme, il convient de commencer par une question qui touche plutôt le fond :

Comme une sœur, tête coupée,
Ell’ ressemblait à sa poupée.
Dans la rivière, elle est venue
Tremper un peu son pied menu. 
Ce qui frappe dans le premier vers, c'est l' « apparition » de la tête coupée. Rappelons-nous le caractère phonique et dynamique de la langue.
Ce premier vers Comme une sœur tête coupée... nous parvient, pour ainsi dire, du «néant» en évoquant cette association quasiment brutale qui ne trouvera pas d'explication, ni dans le deuxième vers qui termine tout de même la phrase commencée, ni ultérieurement dans les strophes qui suivent. En tout cas, quant aux deux premiers vers, nous voilà devant un enchaînement notionnel de :
sœur – tête (coupée) – poupée; en terme de contenu, Brassens joue ici sur la locution ressembler comme un frère à qqn. Cela nous ramène à l'interprétation dans l'ensemble tout de même assez claire et qui a beaucoup à voir avec ce compliment courtois : « C'est votre fille ? Mais non, c'est impossible. C'est votre sœur... »l'image de la mère comme sœur de sa fille se change par analogie en fille comme sœur de sa poupée. La tête coupée pourrait ainsi laisser à penser que la poupée « a fait son temps » (en allemand, on pourrait avoir recours à cette locution légèrement ambiguë ähnlich bis auf den Kopf ). Du point de vue linguistique, la tête coupée pourrait être empruntée à la locution donner sa tête à couper (si elle n'est pas la sœur de sa poupée...), mais sous un aspect de fait accompli : et la tête avait été coupée...

Quoi qu'il en soit, comme traducteur il convient pour l'instant de renoncer à toute formulation allemande pour éviter toute interprétation figée et trop étroite. Gardons la tête coupée derrière la tête et quittons le contenu pour revenir à la forme en renonçant ici à tout ce qui touche les mètres et les rimes comme éléments formels « usuels » afin de nous pencher sur les sources formelles essentielles de la chanson considérée :

Comme une sœur, tête coupée,
Ell’ ressemblait à sa poupée.
Dans la rivière, elle est venue
Tremper un peu son pied menu.

Par une ruseà ma façon,
Je fais semblant d’être un poisson.
Je me déguise en cachalot
Et je me couche au fond de l’eau.

J’ai le bonheur, grâce à ce biais,
De lui croquerun bout de pied.
Jamais requin n’a, j’en réponds,
Jamais rien goûté d’aussi bon.

Ell’ m’a puni de ce culot
En me tenant le bec dans l’eau.
Et j’ai dû pour l’apitoyer
Faire mine de me noyer.

STRUCTURE LINGUISTIQUE:
La première strophe se termine par un pied menu. Ici, il faut bien sûr considérer menu en premier lieu comme adjectif et épithète, mais le milieu notionnel du contexte environnant -- PIED MENU -- RUSE -- BIAIS -- CROQUER UN BOUT DE PIED -- fait apparaître un soupçon d'apposition : pied-menu avec l'idée vague d'un repas à prendre -- un pied « à la carte » un pied « à croquer » -- pour refusionner la forme et le fond. C'est ainsi que  ruse au début de la deuxième strophe prend un sens artificieux emprunté à la structure même du système linguistique : ruse ne signifie pas seulement ruse, mais EST une ruse !

Tremper dans la rivière fait allusion à la locution tremper dans une affaire. C'est seulement les dernières quatre syllabes qui rendent transitif tremper en effaçant l'ambiguïté.

ALLUSIONS PHONÉTIQUES:
2e strophe: cachalot --> cache-à-l’eau (avec couche et l'eau)
4e strophe: culot; SIGNIFIE et EST un culot ( bec --> cul --> l’eau)

POLYSÉMIE
3e strophe: grâce (prép.) --> grâce (subst.)


Il convient de rappeler à ce stade que je parle ici uniquement des allusions « cachées » du texte, donc de ce qui dépasse la composante dite contenu : l'interprétation de premier niveau, l'interprétation directement liée à la langue elle-même (Deutung). Ce qui est important, c'est la priorité du langage parlé -- qui a un caractère dynamique et consécutif se développant dans le temps par rapport au système d'écriture plutôt statique qui se place dans l'espace. Si, en poésie, une phrase ne perd son ambiguïté qu'avec le dernier mot, toutes les acceptions, associations et allusions évoquées ou provoquées au fil de la phrase restent une partie indétachable du contenu exprimé de cette façon, car chaque fois que cette phrase est prononcée et reprononcée, toutes ces associations et allusions renaissent. Il convient de prendre en compte ces détours et biais de l'esprit volant qui se posera enfin sur un point bien déterminé, comme s'il y avait été depuis toujours, mais qui aura gardé en soi le trajet parcouru et suivra la même route chaque fois que l'on répète la phrase...

Je tiens à ajouter un autre procédé de fond-forme cher à Brassens: 

Ell’ m’a puni de ce culot
En me tenant le bec dans l’eau.
Et j’ai dû pour l’apitoyer
Faire mine de me noyer. 
SENS DE MOTIVATION = FORME DE LA LOCUTION
Tenir le bec dans l’eau comme locution figurée pose un problème tout particulier: Pour les locutions idiomatiques (phraséologiques), la signification dite actuelle de la locution (l'acception) n'est pas identique à la somme des acceptions matérialisées par chacun des mots individuels (sens de motivation). Ici, la location est employée selon son contenu (attente incertaine), mais l'histoire continue avec l'acception initiale (bec dans l'eau), qui relève de la FORME!

Avant d'exposer le procédé de traduction, voici une synthèse des objectifs:
1. Le premier but est de rendre l'histoire racontée, donc TRADUCTION au niveau du CONTENU.
2. Mais en gardant (reproduisant) la forme poétique, donc ADAPTATION au niveau de la POÉSIE (rimes etc.)
3. Et en respectant les autres particularités formelles d'origine linguistique, ADAPTATION au niveau du FOND;
    donc TRANSPOSITION de l'AUTEUR -- à savoir ( pour Brassens ) :
    (a) allusions phonétiques (difficile en langue allemande, car elle est moins homophone que le français)
    (b) allusions structurales
    (c) locutions idiomatiques

Ma première version allemande présentait certains désavantages :

COMME UNE SŒUR

MIT IHREM KURZEN KNAPPEN HAAR
Comme une sœur, tête coupée,
Ell’ ressemblait à sa poupée.
Dans la rivière, elle est venue
Tremper un peu son pied menu.

Mit ihrem kurzen knappen Haar  (Knappenhaar)
Sie ihrer Puppe ähnlich war.
Sie wagte mit dem schmalen Fuß
Vom Ufer den Schritt in den Fluss.
Par une ruse à ma façon,
Je fais semblant d’être un poisson.
Je me déguise en cachalot
Et je me couche au fond de l’eau.

So listenreich, wie ich halt bin,  (Solist ???)
Schleich ich als Fisch zum Wasser hin,
Hab mich als Pottwal ausgestreckt
Und auf des Flusses Grund versteckt.
J’ai le bonheur, grâce à ce biais,
De lui croquer un bout de pied.
Jamais requin n’a, j’en réponds,
Jamais rien goûté d’aussi bon.

Durch diesen Trick hab ich das Glück
Und nasch vom Fuß ein feines Stück.
So einen guten Bissen hat
Fürwahr kein Haifisch je gehabt.
Ell’ m’a puni de ce culot
En me tenant le bec dans l’eau.
Et j’ai dû pour l’apitoyer
Faire mine de me noyer.

Zur Strafe für den frechen Spaß,
Tunkt sie den Schnabel mir ins Nass.
Und ich seh zu, dass ich ertrink,
Damit ich ihr Mitleid erring.

Cette première adaptation paraît assez proche de l'original, la structure et les rimes sont reproduites... et il faut tout de même éprouver le sentiment profond qu'il y a quelque chose qui manque -- à savoir: toutes ces associations et allusions qui naissent et meurent au cours de l'enchaînement des mots. L'apposition pied-menu ( dont la présence est vague ) reste sans équivalent, ce qui fait que la ruse de la deuxième strophe devient une banalité, car il n'y a pas de ruse linguistique. La locution tenir le bec dans l’eau est rendue par un équivalent superficiel et par-là unidimensionnel. En bref: La chanson est traduite, mais on ne retrouve pas ce qui fait Brassens -- cet esprit « derrière les mots », ces rapports et liens « cachés » entre les mots... Un soupçon d'allusion désirable est présent dans le premier vers »kurzen Knappenhaar«  ( cheveux courts en coiffure valet / coutellier ) par allusion à « kurz und knapp »(tout court, tout en bref...), mais sans rapport au contenu des paroles originales, puisque cette version allemande, contrairement à l'original, introduit la notion, voire l'image d'un garçon. Et, ce qui est pire : Le premier vers de la deuxième strophe allemande -- so listenreich (si riche en ruses) -- fait sous-entendre, bon gré mal gré, le mot Solisten (solistes). Cette allusion est sans raison et pervertit même la démarche poétique-stilistique de Georges Brassens. J'étais à deux doigts de réussir à faire, sans l'avoir voulu, un persiflage de Brassens...

Puisque le résultat de cette démarche directe n'était pas satisfaisant, j'ai recherché d'autres voies ou, pour dire toute la vérité, car ce n'était pas une recherche proprement dite, j'ai finalement accepté des biais et des détours en me fiant au hasard de la langue allemande...

Il faut absolument que j'introduise à ce point, en complément à la forme de POÈME considérée jusqu'ici, la forme de CHANSON : Brassens a composé un doublage ingénieux des premier, deuxième et quatrième demi-vers terminaux de chaque strophe. Cette particularité structurelle, cet écho systématique m'a permis de trouver ou mieux d'accepter des allusions phonétiques présentées par le hasard de la langue allemande ( dans la mesure où ces allusions s'inscrivent dans la chanson et son interprétabilité -- il a donc fallu interpréter finalement la version allemande pour vérifier le résultat ) : 

COMME UNE SŒUR

SO ALS OB
Comme une sœur, tête coupée
    Tête coupée
Ell’ ressemblait à sa poupée
    A sa poupée
Dans la rivière, elle est venue
Tremper un peu son pied menu.
    Son pied menu.

So als ob sie – Kopf hin, Kopf her –
    Kopf hin, Kopf her
Die Schwester ihrer Puppe wär’,
    ’rer Puppe wär
Tunkte sie ihren zarten Fuß
Ein ganz klein wenig in den Fluss.
    ’nig in den Fluss
Par une ruse à ma façon,
    A ma façon
Je fais semblant d’être un poisson.
    D’être un poisson
Je me déguise en cachalot
Et je me couche au fond de l’eau.
    Au fond de l’eau

Durch eine List nach meinem Sinn
    Nach meinem Sinn
Schleich ich als Fisch zum Wasser hin,
    Zum Wasser hin
Streck mich am Grund aus wie ein Wels
Und laure reglos wie ein Fels.
    Los wie ein Fels
J’ai le bonheur, grâce à ce biais,
    Grâce à ce biais
De lui croquer un bout de pied.
    Un bout de pied
Jamais requin n’a, j’en réponds,
Jamais rien goûté d’aussi bon.
    Rien d’aussi bon

Durch diesen Trick hab ich das Glück
    Hab ich das Glück
Und nasch vom Fuß ein feines Stück.
    Ein feines Stück
So einen guten Bissen hat,
Mein Wort, kein Haifisch je gehappt!
    Fisch je gehappt
Ell’ m’a puni de ce culot
    De ce culot
En me tenant le bec dans l’eau.
    Le bec dans l’eau
Et j’ai dû pour l’apitoyer
Faire mine de me noyer.
    De me noyer

Zur Strafe für den alten Zopf
    Den alten Zopf
Wäscht sie mir gehörig den Kopf.
    Hörig den Kopf
Und ich muss tun, dass ich ertrink’,
Damit ihr Mitleid ich erring'.
    Leid ich erring’

Quelques commentaires :

1ère strophe:

  • La traduction de tête coupée par Kopf hin, Kopf her  ( je ne saurais pas comment traduire cette tournure dans toute son étendue : tête comm' çi, tête comm' ça ; tête par çi, tête par là ; quoi qu'il en soit de la tête... ) est EN PARTIE l'aveu du traducteur qu'il ne sait -- ou ne veut -- pas interpréter ce passage original – et le résultat donne une certaine transparence bilingue, contrairement à la première version ( cheveux courts -- coiffure valet ) qui avait retenu une seule interprétation (d'ailleurs une interprétation moins probable que d'autres) en masquant le problème par une décision arbitraire. Abstraction faite de cette association bilingue dans la traduction retenue, il faut dire que la tournure allemande Kopf hin Kopf her  s'inscrit bien dans l'histoire racontée avec deux à trois associations-allusions...;
  • Le mot tunken est l'équivalent direct de tremper (dans le sens transitif) et l'équivalent notionnel de l'allusion (interprétée) de pied-menu en préparant le bout de pied croqué de la troisième strophe. Ces repères notionnels sont typiques pour la poésie de Georges Brassens qui implante, au terrain de la forme (!), un tracé de notions enchaînées qui conduisent l'esprit ainsi « averti » vers un endroit de la pensée ainsi « préparé ».  Le terme jalonnage  me semble très approprié.
  • ein ganz klein wenig in den Fluss ( un tout petit peu dans la rivière ) devient, renvoyé par l'écho de fin de vers : ’nig in den Fluss – linguistiquement interprétable et, d'ailleurs, obligatoirement interprétable comme Nich’ in den Fluss (pas dans la rivière -- dans le sens de « ne va pas dans la rivière » ). Ce soupçon d'hésitation ou d'anticipation d'une mauvaise fin ne se laisse pas considérer comme contenu ou signification, mais se situe au niveau de l'interprétation ( mais interprétation linguistique, donc obligatoire ) sur le plan de ce que l'on appelle « dichterische Freiheit » en allemand ( licence poétique ). C'est la structure de la langue allemande elle-même qui donne cette allusion et cet écho en fin de vers est l'équivalent stilistique de l'apposition pied-menu en conférant à la ruse de la deuxième strophe un fond linguistique -- et cela à peu près au même niveau structural et interprétatoire en dehors du sens proprement dit des mots, ce qui fait que la ruse de la deuxième strophe non seulement signifie ruse, mais est une ruse en soi. A part cette fonction stilistique, cette allusion d'hésitation -- et c'est aussi important que la reproduction stilistique -- s'inscrit -- et doit s'inscrire -- dans l'histoire que la chanson raconte -- dans l'interprétation générale. Cette allusion d'hésitation (donc de risque) nous renvoie à tremper dans le sens évoqué en passant (et qui se perd) de « tremper dans une affaire » -- et il faut absolument que j'avance à ce stade une interprétation de cette chanson pour pouvoir juger de la traduction retenue : l'entrée d'une fille dans le monde sexuel des adultes, symbolisée déjà par la ressemblance ( décroissante ) à la poupée, sinon destruction de la poupée devenue inutile... dans ces décors, la tête coupée est plus facile à « saisir » par l'interprétation abstraite qu'au niveau du sens concret : elle symbolise en tout cas, dans un certain sens, la perte de l'innocence sans que l'on puisse distinguer clairement qui est auteur et qui est victime...
Une fois réalisé à cette manière, ce jeu d' « écho » doit être adopté comme principe poétique pour être véritablement présent: et il est possible, par ce biais structural, de peupler d'allusions et d'associations le champ interprétatoire -- la traduction-adaptation prend la dimension d'un poème.

2ème strophe:

  • Dans l'écho tétrasyllabique, le vers Und laure reglos wie ein Fels (et guette immobile comme un roc/rocher) se change en los wie ein Fels (en avant comme un roc / un bloc de pierre). Le fait de guetter au fond de l'eau devient « la pierre d'achoppement ». Je dois m'aventurer encore une fois dans l'interprétation abstraite, car il faut en fin de compte que l'allusion ainsi réalisée ( présente et pourtant non contenue dans le poème ! ) s'inscrive dans l'histoire : Ce qui est très important dans les premières strophes de cette chanson, c'est la mutualité contradictoire d'activité-passivité du rapprochement sexuel dans l' égalité des deux amants. Comme déjà dit pour l'acteur-victime à propos de la tête coupée, nous nous voyons confrontés à des contraires qui ne sont pas incompatibles, mais uniquement les deux extrémités d'une échelle commune.
3ème strophe:
  • gehappt remplace gehabt de la version antérieure, d'ailleurs non complètement, mais refoule le mot attendu gehabt vers l'interprétation – tout cela sans aucun effet au niveau du contenu, donc un peu comme cachalot en français, qui ne fait que renforcer le sujet.
4ème strophe:
  • wäscht mir gehörig den Kopf ( en me lavant la tête ) est l'équivalent de en me tenant le bec dans l’eau -- locution idiomatique qui est employée à la fois au figuré ( frotter les oreilles ...) et selon l'image figée ( laver la tête ). Ce qui était important pour le choix : Activité d'une part et présence d'eau dans le sens de motivation ( normalement à comprendre au figuré ). Pour plus de détails, voir mon article (en allemand) relatif à la traduction d'un autre exemple de ce type de la même chanson.
  • Sauf cette question stylistique, la tournure stéréotypique wäscht mir gehörig den Kopf devient, dans l'écho, ...hörig den Kopf en évoquant une notion de sujétion, de dépendance... que l'on ne trouve pas en français, mais qui s'incrit dans le ton actif-passif de ce jeu de l'amour décrit au cours des premières strophes ( ce qui montre l'importance du recours permanent à l'interprétation en faveur de l'interprétabilité ); il y a également une allusion très très vague ( plus vague encore que l'allusion citée ) à : hör’ ich den Kopf ( entends-je la tête ? ), qui -- si évoquée dans l'auditeur -- communique avec guetter...
  • Damit ich ihr Mitleid erring -- Mitleid erring( pour m'assurer sa pitié ) est désormais remplacé par cette inversion : Damit ihr Mitleid ich erring -- Leid ich erring, ce qui fait que le mot pitié, renvoyé par l'écho, se change en peine, ce qui anticipe ( par voie d'allusion vague, comme par exemple la tête coupée de la première strophe française ) la mauvaise fin de l'histoire...
Sans nous pencher trop sur tous les détails, revenons à une chose particulière qui a continué de me gêner : l'absence complète en allemand de la tête coupée du premier vers, qui saute tellement aux yeux et aux oreilles en français. Si je dis absence, ce n'est pas forcément absence en terme de contenu et de signification, mais plutôt absence en tant que repère ou jalon... Jusqu'à ce que le hasard m'ait apporté une solution: L'histoire d'amour des premières strophes est, comme souvent chez Brassens, bouleversée vers le social. Cette amour entre êtres égaux jouissant d'une égalité naturelle éprouvée par l'intérieur voit soudainement au propre visage des reflets de défauts socio-matériels renvoyés par le miroir social :

 
Chez ses parents, le lendemain,
J’ai couru demander sa main,
Mais comme je n’avais rien dans
La mienne, on m’a crié: « va-t’en ! »

Bei ihren Eltern am darauffolgenden Tage/anderntags
Bat ich hineilend/eiligst um ihre Hand,
Aber da ich nichts in der Meinen hatte,
Schrie man mich an: »Scher dich weg!«

Dans ma première version, je voulais retenir la structure stylistique dans la mienne :

Chez ses parents, le lendemain,
    Le lendemain
J’ai couru demander sa main,
    Mander sa main
Mais comme je n’avais rien dans
La mienne, on m’a crié: « va-t’en ! » 
    Crié: « va-t'en ! »

Als ich vor ihren Eltern stand,
    Ihr’n Eltern stand
Bat ich tags drauf um ihre Hand,
    Um ihre Hand
Doch man schrie, denn meine war leer,
Dass ich mich weg zum Teufel scher’.
    Zum Teufel scher.

Un autre élément aussi digne d'être reproduit en allemand ( tout n'est pas possible ! ) est bien sûr également ce cri bisyllabique : « va-t’en ! » – »Scher dich weg! Hau ab!«  à la fin de la strophe -- un cri court et frappant, comme s'il était fait pour l'intonation assez rude et dure de la langue allemande. C'est ainsi que la solution avait la bonté de s'offrir elle-même :

Chez ses parents, le lendemain,
    Le lendemain
J’ai couru demander sa main,
    Mander sa main
Mais comme je n’avais rien dans
La mienne, on m’a crié: « va-t’en ! »
    Crié : « va-t’en ! »

Als ich vor ihren Eltern stand,
    Ihr’n Eltern stand
Bat ich tags drauf um ihre Hand,
    Um ihre Hand
Doch man warf mir, denn ich war knapp
Bei Kasse, an den Kopf: »Hau ab!«
    Den Kopf: „Hau ab!“

Grâce à l'écho à la fin du dernier vers de cette première strophe « sociale »  -- Den Kopf hau ab --  la tête coupée devient élément associatif également de la traduction allemande sans pour autant monter à la surface des acceptions concrètes, ce qui semble même assez souhaitable du fait de ce déplacement dans une autre strophe. Il faut ajouter que cette allusion à cet endroit s'inscrit parfaitement dans la suite d'évènements de cette chanson -- ce qui est important, puisqu'il s'agit de garder l'interprétabilité. On peut probablement dire que cette allusion-adaptation éclaire également un peu la fonction de la tête coupée dans la chanson française : Elle relève plutôt du double fond de l'interprétation et n'est guère compréhensible au niveau du contenu.

Une dernière remarque relative à la traduction du titre de la chanson. Si les titres sont plutôt une fioriture, ils ont tout de même une certaine fonction symbolique qu'il convient de ne pas sous-estimer.

La chanson Comme une sœur s'appelle maintenant So als ob ( à peu près : comme si dans le sens de faire semblant ) et le choix du titre peut paraître étrange. D'abord, le titre français reprend tout simplement les quatre premières syllabes ( en préparant plus ou moins l'écho tétrasyllabique ) et j'ai fait (presque) la même chose en allemand, mais en me réduisant aux trois premières syllabes pour des contraintes structurales dans le premier vers de ma traduction. Sans l'avoir expressément envisagé ou voulu, le titre allemand est parfaitement symbolique TANT pour la version allemande QUE par rapport à l'original français. Il présente une certaine correspondance avec les locutions françaises  je fais semblant (d’être un poisson) de la deuxième strophe et faire mine (de me noyer) de la quatrième strophe et résume raisonnablement l'impact en allemand de l'écho structural sur le contenu.

 

3. CONCLUSION

La démarche présentée n'est certainement pas une solution générale pour l'adaptation de poésies. Elle ne s'est même pas prêtée une deuxième fois à l'adaptation d'autres chansons de Georges Brassens (sauf pour certains détails dans Les 4 bacheliers et Au bois de mon cœur). Il reste donc beaucoup de liberté pour toute une panoplie de démarches créatives tout à fait différentes -- et c'est rassurant. Mais le but de l'exposé était de montrer que la traduction proprement dite en tant que REPRODUCTION DU CONTENU et l'adaptation dite LICENCE POÉTIQUE ne doivent pas obligatoirement s'exclure. Le cas idéal serait d'avoir une traduction qui, quant au contenu, substitue un original en langue étrangère, mais constitue une adaptation qui répond d'elle-même. L'idéal serait d'avoir une traduction dont les écarts de contenu sont réduits à des raisons formelles; voici un cas limite dans la chanson présentée : Le cachalot (Pottwal) est remplacé par la silure, poisson-chat (Wels), ce qui semble d'abord peu motivé, mais dès que l'on considère que l'allusion phonétique de cachalot -- cache-à-l’eau est intraduisible et perd donc un peu son droit de cité poétique, on peut retracer la compensation de cette perte par l'allusion structurale allemande (reg-)los wie ein Fels (immobile / en avant comme un bloc de pierre) en liaison avec les contraintes de la rime. Pour simplifier, en d'autres mots : s'il y a QUELQUE CHOSE de complémentaire derrière le contenu proprement dit de l'original, il faudrait QUELQUE CHOSE de complémentaire également dans la traduction. Les moyens concrets doivent être confiés au hasard linguistique de la langue cible, mais il faudra en fin de compte ajuster le résultat selon l'interprétabilité non linguistique et abstraite de l'original.


Réponse complémentaire à la question posée au jour de l'exposé: Ne risque-t-on pas de surinterpréter ?

J'aimerais revenir à la distinction entre DEUTUNG (interprétation linguistique) et INTERPRETATION (interprétation abstraite par rapport à la réalité). Le traducteur doit en tout cas interpréter les moyens linguistiques -- c'est le côté artisanal de l'ouvrier traducteur et c'était l'objet de mon exposé. Mais le traducteur ne peut renoncer à l'interprétation abstraite (ce que j'ai dû faire à deux reprises au cours de mon exposé). Le risque n'est pas en premier lieu la surinterprétation, mais plutôt de réduire DE FAIT la portée originale en lissant l'ambiguïté en faveur de la clarté. Un poème use des acceptions potentielles des mots et locutions ( allusions, associations, ambiguïtés ), contrairement aux textes techniques et autres textes visant la compréhension rationale par la mise en oeuvre des acceptions dites actuelles. Le risque consiste plutôt à rester "en dessous de" la portée originale, à sous-interpréter...


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